Chapitre 10 : Léo mène des recherches sur les nouvelles révélations de Suzanne.
Je m’enfermai pour quelques jours dans mon grenier pour visionner les dernières séances de thérapie de Suzanne Flandrin et tâchai de relever les éléments intéressants que je reportai à l’aide de post-it sur un tableau de liège à côté de mon bureau. Au terme de la sixième séance menée par Odile, nous étions parvenus à collecter un certain nombre d’informations qui méritaient d’être vérifiées. Nous avions des noms de personnages dont il allait falloir confirmer l’existence historique, des lieux, des faits, des dates et trois nombres dont deux, 39 et 68, restaient une véritable énigme. Comme Odile l’avait très justement remarqué, ces nombres étaient apparus dans la discussion alors que Suzanne s’était projetée à des moments où son âme était à la recherche de l’âme perdue comme le lui avait demandé Odile. Il était clair qu’ils avaient donc un rapport avec la « catastrophe » mais à ce stade je naviguais en plein brouillard.
J’établis d’abord la chronologie reconstituée à partir du récit de Suzanne.
En 1735, un certain George Tyler, capitaine de cavalerie dans l’armée anglaise en expédition au sud de Boston s’était retrouvé pris dans une guérilla avec des indigènes amérindiens, les Pequots. Je me dis qu’il était certainement mort de mort violente ou de maladie entre 1735 et 1744. En effet, en 1764, George Tyler était réincarné en un pasteur écossais qui avait compté des morts. J’estimai que ce pasteur, né en Écosse, ne pouvait avoir moins de vingt ans lorsqu’il s’était retrouvé de l’autre côté de l’Atlantique. Lui-même s’était réincarné en Maxime de Hautecour qui avait été séminariste en 1878. De Hautecour devait être né entre 1858 et 1870 car les séminaristes entraient au séminaire à l’âge de sept ans au plus tôt et en sortaient aux environ de vingt ans.
Je m’intéressai à George Tyler. Comme on pouvait s’y attendre, ce type était un parfait inconnu sur le web. J’appelai, sans trop y croire, ma nouvelle amie Emilie pour lui demander si les archives nationales avaient des contacts avec leurs homologues britanniques. Emilie se passionnait pour mes demandes et le soir même elle m’informa qu’un groupe de travail d’échanges avait été créé au sujet de la Guerre de Sept ans. Je commençai à croire que j’avais décidément beaucoup de chance. Je lui donnai le plus d’informations que je pus sur ce que j’avais cru déduire de ce George Tyler en lui demandant de vérifier si on pouvait retrouver trace de l’homme dans les archives militaires britanniques. Deux jours plus tard, je reçus une fiche synthétique. George Alexander Tyler s’était engagé dans le 62e régiment Royal American, un régiment d’infanterie légère basé dans les colonies de la Nouvelle Angleterre. Ce régiment était réputé pour permettre à de jeunes soldats de condition modeste d’accéder à des grades de commandement à des conditions moins draconiennes que dans la plupart des unités de l’armée britannique. Il avait acheté son grade de capitaine contre paiement d’une commission de deux-cent cinquante livres et s’était porté volontaire pour être détaché dans un régiment de cavalerie qui protégeait les convois de marchandises sur les pistes mal famées de ces contrées. Il était né en 1699 et avait été porté disparu en 1738. Ce pouvait être notre homme. En tous les cas, cela y ressemblait fort.
Plus facile fut de retrouver des événements qui pouvaient correspondre aux faits relatés par le pasteur écossais. En recherchant les mots « Amérindiens » et « couvertures », je tombai sur l’histoire du siège de Fort Pitt. Plusieurs tribus indiennes dont les Shawnee et les Delaware firent en 1763 le siège de ce fort dans ce qui fut appelé la Rébellion de Pontiac. Le commandant britannique de la garnison du fort aurait autorisé l’ordre d’infecter les assaillants à l’aide de couvertures ayant été utilisées par des malades de la variole. Les historiens se battent encore sur la réalité de ces faits. Mes recherches m’apprirent que certains considèrent aujourd’hui que cet épisode est caractéristique de la volonté génocidaire des colons à l’égard des autochtones de l’Amérique du Nord. Suzanne, dans la peau du pasteur écossais, aurait donc eu à connaître de ces méthodes. Pour autant, je ne trouvais aucun décompte des victimes lié à ces événements. Je ne pus donc valider le nombre de six millions de victimes mais la proximité des dates et des lieux et des circonstances m’amena à considérer que Suzanne devait avoir dit vrai. Certes la variole ne tue pas en un jour, elle incube en environ douze jours et tue, si elle n’est pas traitée, au bout de quelques jours par suite de complications. Je posai les mots « variole » et « virus » et le nombre de 6 336 800 sur mon tableau. Je me dis que notre tueur aurait à cette occasion découvert le meurtre de masse. Selon ce qu’avait dit Suzanne, son guide – c’est ainsi qu’Odile l’appelait – lui aurait parlé de la petite âme perdue pour la première fois après ce funeste décompte.
Restait à chercher en quoi Maxime de Hautecour pouvait avoir un intérêt dans l’histoire de Suzanne. Je ne trouvais rien sur internet, mais j’eus encore un énorme coup de chance. Viktor qui était de passage à la maison vint me saluer dans mon repaire.
Avant de rencontrer Katia, ma vie sentimentale avait été plutôt chaotique. Je collectionnais les aventures sans lendemain. Mon physique peu avenant, même bien avant que je ne devienne gros, n’aidait pas. Mon métier non plus d’ailleurs. Un flic, cela fait peur. Mes conquêtes, je les faisais chez les prostituées qui ne me tarifaient plus au bout d’un certain temps. Nombreuses sont celles qui auraient bien voulu que je les épouse, mais je n’ai jamais accepté. Longtemps, je me le suis interdit en me disant que cela n’aurait sûrement pas plu à ma mère. J’avais l’impression qu’elle me regardait de là-haut et qu’elle m’aurait mal jugé. Un jour, j’ai compris que j’avais tort. Elle avait sûrement appris à ses dépens le mal que pouvait faire le jugement des autres. C’est à ce moment-là que s’est présentée Katia. J’ai acheté en 1995 un petit pavillon du côté de Bondy en Seine-Saint-Denis. Avec mon salaire de flic, je ne pouvais pas faire mieux pour loger ma petite famille. J’avais rencontré Katia deux ans auparavant. C’était une Russe que j’avais fait coffrer dans une rafle dans le cadre d’une enquête sur des réseaux de call girls. Elle était très belle, sans papiers et, moi, j’avais du pouvoir. On s’est assez vite entendu sur ce que l’on pourrait faire ensemble pour s’améliorer l’ordinaire. Je crois que j’en étais très amoureux. Elle ? Sans doute pas. Nous avons eu un garçon, Viktor. Il a trente-trois ans aujourd’hui. Un éternel étudiant qui vit encore avec moi à Bondy. Il cumule les doctorats et commence à donner des cours à la fac de Paris Saclay où il espère obtenir un poste stable d’assistant maître de conférence. C’est un féru de maths et de physique des particules, tout le contraire de son père qui n’était qu’un cancre à l’école. C’est moi qui l’ai élevé car sa mère nous a quittés quand il avait huit mois. Je lui avais obtenu des papiers et elle s’est barrée avec un industriel polonais qui devait sans doute avoir de meilleurs arguments que nous pour la retenir. Je ne lui en veux pas. Elle m’a donné Viktor et de beaux souvenirs. De temps en temps, j’ai de ses nouvelles par Viktor. Quand elle est partie, elle avait peur de ma réaction et jusqu’à ce que Viktor ait eu cinq ans, nous ne savions pas ce qu’elle était devenue. Je l’ai longtemps cherchée dans les tripots de Paname en me disant que, comme pour beaucoup de filles qui ont connu la prostitution et la nuit parisienne, l’appel du danger était le plus fort. J’en ai croisé de ces filles qui ont besoin de se mettre en danger pour se sentir exister… Je m’étais trompé sur son cas. Un jour, une lettre est arrivée. C’était Katia qui nous disait qu’elle vivait maintenant en Allemagne avec son polonais. Elle s’était mariée. Elle demandait que je lui envoie des photos de notre fils dont elle disait qu’il lui manquait. Elle est passée, par la suite, quelques fois en coup de vent à la maison pour voir son fils. Elle a beaucoup pleuré et Viktor aussi, je m’en souviens. Et puis les choses se sont normalisées. Viktor est allé en Allemagne la voir régulièrement et je suis content qu’il ait pu retrouver sa mère dans une relation apaisée.
Avec l’arrivée de Viktor ma vie a pris une tout autre orientation. Je me suis rangé. J’ai essayé d’être un aussi bon père que mon père l’avait été pour moi. Il m’encourageait toujours et passait le plus clair de son temps libre avec moi – il en avait peu, comme moi pour Viktor. On partait avec sa 403 le dimanche tous les deux pour aller crapahuter dans la forêt de Fontainebleau. On pique-niquait et on se marrait bien. C’est sans doute lors de ces escapades entre hommes que ma mère allait rencontrer ma grand-mère. Pour être le plus souvent possible avec mon fils, je ramenais du boulot à la maison. Je me suis aménagé un second bureau dans les combles de notre pavillon pour en faire mon quartier général. Viktor venait souvent faire ses devoirs à côté de moi. J’avais tiré une ligne téléphonique jusque là-haut pour rester en contact avec mes collègues. Pour l’époque, c’était du luxe ! J’en ai passé des nuits dans ce grenier à dénouer des écheveaux ! J’y étais presque mieux qu’au 36 quai des Orfèvres.
— Tu bosses ? me demanda-t-il.
— Je fais de l’archéologie fiston ! lui dis-je en l’embrassant.
Comme à son habitude il regarda ce que j’avais affiché autour de moi.
— Sur quoi es-tu cette fois ? demanda-t-il.
Viktor se passionnait pour mes histoires de cold cases et aimait raisonner avec moi sur les casse-têtes que l’on y trouvait souvent. Je ne voulus pas lui révéler la vérité et tâchai d’inventer à la volée une histoire plausible que les quelques indices que j’avais disséminés sur mon tableau et mon bureau ne démentiraient pas mais, dans la panique, je dis une ânerie.
— Une sombre histoire de tableaux volés.
— De tableaux volés ?
— Oui…
— Et qu’est-ce qu’il vient faire dans cette affaire celui-là ?
Il me montra le nom de Maxime de Hautecour. Je bafouillai :
— Tu sais… euh… Tu connais ?
— Oui… enfin pas personnellement mais c’est un nom que je connais. Il y avait une salle qui portait son nom à Ulm.
— A Ulm ? fis-je interloqué.
— Oui, elle n’existe plus depuis qu’ils ont fait des travaux, mais je me souviens très bien qu’elle portait ce nom quand j’y étais.
— Intéressant… et qu’est-ce que tu peux m’en dire ? lui demandai-je intrigué.
— Pas grand-chose. Je crois qu’il a été un professeur de mathématiques. Il était contemporain de Henri Poincaré, l’un des plus grands mathématiciens et physicien de son époque. Ils ont dû bosser ensemble pendant un temps, mais ils n’ont pas eu la même carrière ! Tu me diras… avoir son nom de baptême donné à une salle de Normale Sup c’est déjà pas mal. Mais même cela on l’a lui retirée maintenant…
Je notai ce que Viktor venait de me dire pendant qu’il continuait :
— Mais je ne savais pas qu’il avait trempé dans une histoire de tableaux volés…
Je me redressai sur ma chaise.
— Oh ! Ce n’est pas sûr du tout. Ce nom est apparu dans un vieux PV qui était dans le dossier d’archives et à la lecture de celui-ci je ne comprenais pas ce qu’il faisait là. Et je crois que tu confirmes que j’avais raison de me dire que ce feuillet avait dû glisser d’un autre dossier. Tu viens de me rendre un fier service…
Viktor me tapota sur l’épaule.
— On fait une fine équipe tous les deux ! N’est-ce pas Papa ? me dit-il en reprenant la direction de l’escalier.
Avant qu’il ne disparaisse je l’interpellai une dernière fois :
— Oui enfin, pour en être sûr il faudrait que je puisse recouper… Crois-tu que tu pourrais m’obtenir des informations sur lui à l’Université ?
— Oui sûrement. Je devrais pouvoir regarder dans l’annuaire des anciens élèves. Pour être prof à Ulm, il avait dû en être élève lui-même, me répondit-il en souriant. Qu’est-ce qu’il te faut ? Une date de naissance et un CV ?
— Oui ce sera parfait.
Le lendemain soir je disposai d’un pédigrée complet de Maxime de Hautecour. Né le 25 février 1862, il avait été ancien élève d’un scolasticat jésuite à Chantilly mais n’avait jamais été ordonné prêtre. Il avait été admis au concours de l’agrégation de mathématiques en 1879, à l’âge de dix-sept ans. Viktor me dit qu’il s’était spécialisé dans l’étude des suites numériques et rien de bien remarquable n’était sorti de ses recherches. Il était mort en 1920 dans l’anonymat le plus complet. Je demandai à Viktor de m’expliquer ce qu’étaient les suites numériques et ne pus m’empêcher de relier cette passion de Maxime de Hautecour pour les suites aux deux nombres énigmatiques que je replaçai au centre de mon tableau.
— Alors ? Ça colle avec ton PV ? me demanda Viktor le soir au dîner.
Je me dis que j’aurais encore sûrement besoin de ses lumières et qu’il fallait que je lui fasse croire que finalement il y avait peut-être bien un intérêt à conserver de Hautecour dans mon bestiaire.
— Crois-tu qu’un mathématicien qui travaillerait sur des suites comme tu dis pourrait avoir une utilité dans un hold-up ?
— A quoi penses-tu ?
— Je ne sais pas, répondis-je, à la découverte de combinaisons de coffres par exemple.
— Ce ne serait pas très sérieux de créer une combinaison comme cela. Il n’y a rien de plus prévisible qu’une suite numérique. Si tu en connais un terme et la raison tu peux en déduire tous les autres termes. Alors on a mieux pour rendre une combinaison de coffre introuvable. Comme des nombres aléatoires par exemple que seul quelques personnes connaissent. Et pour les mêmes raisons, ce serait stupide de les utiliser pour faire du chiffrement. Non franchement je ne vois pas. Les suites sont marrantes pour décrire des phénomènes naturels comme, par exemple, la suite de Fibonacci qui décrit assez bien la manière dont la nature agence le vivant. Mais sinon je ne vois pas. C’est assez con en fait une suite. Je ne comprends pas comment un mec pourrait y dédier sa vie. C’est sans doute pour cela qu’il n’a rien publié. Tout avait été dit là-dessus depuis longtemps à son époque. Non le grand truc de l’époque c’était ce qui débouchera sur les transformations de Lorentz. Des trucs comme ça. Tu vois… plus tu m’y fais penser moins je comprends qu’on ait pu coller son nom sur une salle de cours. Bon mais maintenant c’est réglé… finit-il en riant.
— Tu dis que rien n’est plus prévisible qu’une suite ?
— Oui c’est ce que j’ai dit.
— Donc si on a deux nombres, on devrait pouvoir en déduire la suite et prédire les valeurs suivantes ?
— Non pas vraiment. Tes deux nombres peuvent se retrouver dans une série infinie de suites. Par exemple 2 et 8 peuvent appartenir à une suite arithmétique de raison 2 ou la première valeur est 0 avec 0 puis 2 puis 4 puis 6 et enfin 8 ; ou une suite géométrique de raison 2 ou la première valeur est 1 avec 1 puis 2 puis 4 puis 8. Ou encore une arithmétique de raison 6 avec le premier terme qui serait 2 ! ou…
— Oui mais 39 et 68 ? le coupai-je.
— Eh bien ils appartiennent à la suite arithmétique la plus bête du monde ! s’écria-t-il en riant
— Ah oui laquelle ? Dis-je en pensant être sur le point d’avoir levé le voile sur le mystère.
— La suite de raison 1 : 1, 2, 3, 4 et plus loin 39 puis 40 puis plus loin 67 et 68 !
Il éclata de rire en voyant ma tête déconfite ! Puis il redevint plus sérieux.
— Mais pourquoi me parles-tu de ces deux nombres ?
— Ils apparaissent dans le dossier. Et comme Hautecour est dans le dossier aussi et que tu me dis qu’il se passionnait pour les suites… j’ai pensé que c’était peut-être lié. Lui répondis-je penaud.
— Ben, ça pourrait être une arithmétique de raison 29 avec le premier terme à 10, 10+29=39 et 39+29=68 ! Ça te parle le nombre 29 ?
— Non… pas du tout… mais laisse tomber. Je vais finir par m’embrumer davantage l’esprit avec tes trucs compliqués… finis-je par dire.
Et on en resta là pour l’instant. Je remontai dans mon grenier car si j’avais à peu près cerné deux personnages sur les trois que Suzanne avait dit avoir incarnés, je devais encore essayer de trouver qui étaient ce toubib qui collectionnait les scalps et l’évêque amoureux des passereaux. Rien. Je ne trouvai rien du tout. Emilie me dit le lendemain que le toubib avait dû être recruté comme auxiliaire des armées et ceux-ci n’étaient pas répertoriés dans les registres des armées britanniques, car ils étaient considérés comme de la chair à canons. Je tâchai ensuite d’obtenir auprès du Centre Sèvres, la dernière université jésuite de France, des informations sur Monseigneur de la Rochardière qui aurait vécu en 1878. Pour qu’on m’ouvrît les portes, j’appelai mon copain Aristide Proudon, prêtre jésuite et enseignant à la retraite que j’avais connu dans une triste affaire de harcèlement entre enfants dans un collège où il officiait. Il m’introduisit auprès du père Toquin, documentaliste, un homme très doux et très bien élevé qui au vu du rang annoncé me donna l’espoir de trouver rapidement si ce de la Rochardière avait fait partie de la compagnie de Jésus. Il ne mit pas longtemps à me rappeler pour me dire qu’il n’avait rien trouvé. Je lui demandai si, à Chantilly, il aurait été possible qu’un évêque non jésuite ait pu résider. Il me dit que tout était possible mais que dans ce cas il n’aurait pas moyen de trouver trace d’une telle résidence car seuls les pères jésuites étaient fichés dans ses registres. J’appelai le Diocèse de Beauvais et faisais à nouveau chou blanc. Ce de la Rochardière comme le toubib de George Tylers était un fantôme. C’est peut-être, me dis-je, ce que Suzanne, alors Maxime, voulait dire quand elle disait qu’il était fourbe et faux. L’impossibilité de retrouver leur trace était finalement un point qu’ils avaient en commun. Je me rappelai que Suzanne avait dit que le toubib l’avait suivi dans toutes ses vies. De la Rochardière pouvait-il être ce toubib dans une vie postérieure ? Elle avait dit que le père incestueux de Geneviève était aussi ce toubib et qu’il était encore apparu dans la vie de Suzanne sous la forme de Georges. J’appelai Jacques Aubin, le fils de Geneviève, pour lui poser quelques questions :
— Auriez-vous, lui demandai-je, souvenir d’une passion de votre grand-père maternel pour des objets ou autre chose de ce genre ?
— Non, cela ne me dit rien, répondit Jacques Aubin. Mais vous savez, on ne le voyait pas beaucoup. Maman ne voulait pas qu’on aille trop chez les grands-parents. La seule passion qu’on lui ait connue c’était le gros rouge. C’était un véritable ivrogne vous savez…
— Il ne vous aurait jamais dit être fier de posséder quelque chose en grand nombre ?
— Comme une collection, vous voulez dire ?
— Oui par exemple, répondis-je en espérant qu’il confirme.
— Non… franchement cela ne me dit rien. Désolé monsieur Degois, avait-il dit avant que nous nous fument salués et eûmes raccroché.
Ne restait plus que Georges Destouches, le père de la fille de Suzanne Flandrin. Je replongeai dans les réseaux sociaux et cherchai à en savoir plus sur le personnage. Je parvins à récupérer son état civil auprès de mon copain Lelouche du SRPJ de Versailles que je rappelai en lui disant que j’avançais bien dans mon affaire d’usurpation d’identité. Georges Destouches était né en 1966 à Versailles. Il avait occupé de 2000 à 2017 des fonctions de mandataire social dans deux sociétés de production et d’édition musicales dans lesquelles Suzanne avait été responsable juridique. Puis je perdis sa trace. Je décidai d’appeler le lendemain Odile pour débriefer toutes mes trouvailles et lui indiquer les sujets sur lesquelles je lui demandai d’orienter les recherches lors de la séance à venir.
— Vous m’épatez, fit Odile. Vous avez tout recoupé ! C’est sensationnel ! Mais comment faites-vous ?
— J’ai de bons amis, tous prêts à m’aider et je suis tenace.
— Vous savez où chercher aussi ! Dit-elle sur un ton d’émerveillement.
— Aussi. Mais bon ! Il n’y a rien dans tout cela qui nous rapproche de notre cible. On n’a que des briques qui ne font aucun sens pour l’instant. Et ces deux nombres 39 et 68 qui m’obsèdent et je ne sais pas pourquoi. D’ailleurs j’aimerais que vous parliez avec Suzanne de ce Georges Destouches. Essayez d’en savoir un maximum sur lui. Serait-il collectionneur de quelque chose ? Sait-elle où il est aujourd’hui ?
— Sous hypnose ou de manière consciente ? Demanda Odile.
— Je ne sais pas, fis-je. Les deux peut-être. On aura deux sons de cloche comme cela ! J’ai encore un autre point, Odile. Demandez-lui les circonstances de la mort de Maxime de Hautecour. Et tant que vous y serez, demandez-lui pourquoi il s’est tant intéressé aux suites numériques…