EPILOGUE
Le commandant Parnois alluma son ordinateur. Il parcourut les courriels de la nuit, puis ouvrit celui-ci qui contenait un fichier audio. Il double cliqua sur le fichier et entendit :
“Je me suis appelée George Tyler, Adam Sparks, Maxime de Hautecour, Geneviève Chautalon épouse Aubin et Suzanne Flandrin.
Au fil de ma thérapie avec Odile Lebrun-Théron, je vécus de plus en plus de nuits agitées lors desquelles je me réveillais en transpiration à cause de rêves toujours plus oppressants. Je ne comprenais rien à ce dont je rêvais jusqu’au jour où je reçus ce coup de fil de Georges qui se vanta d’avoir gagné 77 récompenses. La nuit suivante, je fis un rêve éveillé et tout devint intelligible.
Ce mardi matin, en quittant le cabinet du docteur Lebrun-Théron, je sentis comme le besoin irrépressible de partir. J’avais vu dans la salle d’attente l’article d’un grand magazine people. Pour une fois, le docteur Lebrun avait laissé un numéro tout à fait d’actualité. On y voyait Edwin Hoggan et sa femme dans la chambre de la maternité où elle venait d’accoucher. Je connaissais un peu Edwin que j’avais rencontré lorsque je travaillais avec Georges. C’est lui qui m’indiqua la protéodie en m’écrivant qu’il fondait de grands espoirs sur cette technologie. Je ne mis pas longtemps à faire le lien avec l’information que Georges m’avait donnée. Le tueur se servirait de musique pour agir. Et il m’est apparu comme une évidence que le tueur serait cet enfant qui venait de naître. Ensuite, tout s’est passé comme dans un cauchemar.
Arrivé dans la cour de l’immeuble, une vieille femme qui passait la serpillière dans la cage d’escalier m’appela et me fit signe de passer par les sous-sols. Elle me guida dans un dédale de couloirs et nous ressortîmes rue de Milan. Un taxi libre passait juste à ce moment-là, je le hélai pour lui demander de me déposer à la Gare de Lyon. J’attendis deux jours dans un hôtel miteux à me torturer l’esprit. La pression devenue trop forte, je sautai dans un train de nuit sans billet. Le contrôleur me prit en pitié et me trouva une couchette libre sans encaisser son amende. Arrivée de bonne heure à la gare de Nice, j’allai louer une puissante voiture, la réceptionniste ne me demanda pas mes papiers. Je me rendis à l’hôtel Patresco et demandai au concierge le numéro de la chambre où était la famille Hoggan. Il me le donna sans plus poser de questions. J’entrai dans la chambre et sortis l’enfant avec son couffin tandis que sa mère était sous la douche. Une femme de chambre me fit signe de la rejoindre dans le monte-charge de service. Nous sortîmes par l’entrée du personnel.
Je déposai l’enfant sur le siège à ma droite et pris la route. Au péage d’Antibes, des gendarmes me firent signe de me dépêcher d’avancer. L’enfant pleurait. Au début, et à de nombreuses reprises, des voitures venant de face me firent des appels de phares ou klaxonnèrent comme pour me donner du courage. Et puis il finit par s’endormir et c’est à ce moment-là que plusieurs voitures, qui venaient en face et que je parvins à esquiver, tentèrent de me percuter. Un peu plus loin, une laie, que j’évitai de justesse par une embardée, traversa la route avec ses marcassins à l’entrée d’une zone boisée. Elle tentait de m’empêcher… Je ne dus ma survie qu’au fait de secouer, sans cesser, le couffin pour maintenir l’enfant éveillé. Arrivés au lieu-dit La Fosse aux Fées, je le pris dans mes bras et montai au moulin. Je le serrai très fort sur mon cœur. C’est atroce pour une femme de se dire qu’elle va tuer un bébé. Nous ne sommes pas faites pour cela. Je sautai la tête la première avec la joue de l’enfant contre ma joue. Je lui dis « ne t’inquiète pas… ne t’inquiète pas… tout va bien se passer…».
La chute me parut durer une éternité et puis ce fut le noir total. Je me retrouvai dans le puit des suicidés. Puis, comme la dernière fois, après un moment d’effroi, je remontai vers la lumière. Ils étaient là, à m’attendre. La petite âme perdue m’apostropha :
— Mais qu’as-tu fait ?
— J’ai été très aidée par des amis ! Allez, viens, ne restons pas là. Tu étais perdue et nous t’avons retrouvée…”
FIN